Philippe Faucher

Voyez ce que je veux dire

Une démarche d’artiste consiste à mettre des mots sur ce que l’on donne à voir. D’où mon titre !

Plutôt que par le sujet, le trait ou le mouvement, c ‘est par la couleur que je cherche à attirer votre attention,  à vous faire dévier de votre trajectoire, à détourner votre regard. Le tableau doit s’imposer, vous intriguer, voire vous séduire. C’est ce que j’appelle  (je confesse la prétention) « l’effet Joconde ».

La couleur, (« l’enthousiasme de la vie » aurait dit Vincent ; lequel en manquait singulièrement) est le sujet de mes toiles. Elle est forte, saturée et s’impose au point parfois de brouiller à dessein le dessin.

J’aime représenter la transparence, le mouvement lumineux des portes tournantes, la profondeur insoupçonnée des vitrines. La réflexion de la lumière donne à voir ce qui se trouve derrière la personne qui regarde le tableau. L’extérieur est projeté à l’intérieur, proches et lointains, les plans se superposent, les reflets s’entremêlent. Vous êtes alors dans l’image ; capturé.

Une prochaine fois je vous parlerais d’un autre thème de prédilection : les gares, comme lieux d’attente et de passages fébriles.

Je peins à partir de mes propres photos, modifiées à l’ordinateur, transférées sur toile et exécutées, transformées, interprétées à la peinture, toujours à l’huile.

Savoir représenter les nuances de la peau est la clé pour la maîtrise, toujours approximative, du médium. C’est Irena Korosec, une peintre au style onirique, alors qu’elle enseignait à l’École Saidye Bronfman, qui m’en a convaincu. J’y ai consacré trois ans.

Pour maîtres je choisis: Vélasquez, l’ambitieux peintre des Ménines, Bacon, son lointain disciple, provocateur sulfureux, Freud tout aussi délinquant, grand maître de la peau sans artifice, Picasso le Minotaure, pour la liberté, l’autorité et la justesse de son trait, Klee le cérébral si mesuré, pour la construction et la finesse des nuances et enfin Hockney si joyeux, pour le foisonnement des couleurs. Tous ces peintres illustres affirment par leur art qu’un tableau se doit d’être beau avant d’être intelligent. Ils m’inspirent.

Philippe Faucher